Ecrit en mars 2023

Pour Ă©crire le tout premier article de ce blog, jâai choisi un emplacement des plus qualitatifs : je me trouve prĂ©sentement sur le toit du dortoir de lâashram Sivananda, dans le sud de lâInde (dans le KĂ©rala plus prĂ©cisĂ©ment), seule (enfin presque, un singe vient tout juste de mettre le bazar dans le linge qui sĂšche Ă cĂŽtĂ© de moi), entourĂ©e par la jungle luxuriante et bercĂ©e le bruit des oiseaux.
JâapprĂ©cie ce moment pour plusieurs raisons :
1/ je suis trĂšs excitĂ©e de me lancer dans lâĂ©criture de ce blog (nous verrons combien de temps cette motivation va tenir ^^)
2/ je me sens trĂšs rock and roll et badass car jâai exceptionnellement loupĂ© le cours de yoga de cet aprĂšs-midi ET je suis dans un endroit dans lequel il est probablement interdit de sâinstaller
3/ comme je suis Ă lâabri des regards (bon sauf le singe mais je ne crois pas que ça lâembĂȘte plus que ça), jâai fait pĂ©ter le short (ce qui est HAUTEMENT interdit, vous vous en doutez, dans un ashram, mais les 40 degrĂ©s ont eu raison de moi).
Peut-ĂȘtre vous demandez vous ce que je fais ici, dans cet ashram au bout du monde (ou peut-ĂȘtre pas, mais je vais tout de mĂȘme vous dire, et ouais, câest ça dâĂ©crire son propre blog, je fais ce que je veux) ?
Et bien voilĂ , tout de mĂȘme, cela fait 6 ans maintenant que je suis prof de yoga, mĂ©tier que jâaime au plus haut point, mais voilĂ âŠ. je nâavais pas encore mis un pied en Inde. Ce qui nâest pas dramatique en soi, non non non, je connais dâexcellents profs formĂ©s en France (ou ailleurs), mais voilĂ , jâavais tout de mĂȘme un peu lâimpression dâĂȘtre une sorte de pizzaiolo qui ne serait jamais allĂ© en Italie, ou une crĂȘpiĂšre qui ne connaĂźtrait pas la Bretagne (quoique jâai dĂ©jĂ Ă©tĂ© crĂȘpiĂšre et je nâĂ©tais jamais allĂ©e en Bretagne â mais passons).
 Cette annĂ©e, la dĂ©cision a donc Ă©tĂ© prise : Ă moi le pays des Maharajah, des chapatis, des chaĂŻ, des butter massala, des palak paneer, et ah oui pardon, je mâĂ©gareâŠ. du Yoga !

Il avait Ă©tĂ© convenu que je retrouve un couple dâamis, AnaĂŻs et Yvan, qui voyageaient dĂ©jĂ lĂ -bas depuis quelques mois, et quâaprĂšs quelques jours dans le sud, nous passions deux semaines dans lâashram Sivananada, Ă Neyaar Dam.
En bonne Vata que je suis, câest Ă dire lâesprit souvent un peu Ă©parpillĂ©e, je sentais que jâavais un grand besoin de me poser, physiquement et mentalement, dâavoir un âcadreâ, et surtout, surtout de revenir Ă une pratique personnelle, lĂ encore, quâelle soit au niveau du corps Ă travers les asanas, ou mĂ©ditative.
Lâashram (du sanskrit Ä, venir, et shram, sâexercer, travailler avec ascĂšse) est un lieu de vie communautaire, oĂč se retrouvent des personnes qui suivent lâenseignement dâun maĂźtre (un guru, celui qui apporte la lumiĂšre - mot qui nâa en sanskrit absolument pas le sens souvent pĂ©joratif quâil peut avoir en France, câest au contraire un maĂźtre spirituel hautement respectĂ©), pour une durĂ©e qui peut aller de quelques jours (ici le minimum est 3 jours) Ă plusieurs mois voire ⊠toute une vie. Jâavais optĂ© pour deux semaines, ce qui me semblait une durĂ©e raisonnable pour avoir le temps de dĂ©connecter (toute une vie me semblant un poil long).
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Dans cet ashram entourĂ© de palmiers et de moults autres arbres dont je ne connais pas les noms, paysage magnifique et des plus apaisants pour les yeux (malgrĂ© les crocodiles qui- dit-on, peuplent le lac juste en bas), jusquâĂ 350 yogis du monde entier se retrouvent pour suivre les enseignements de Swami Sivananda, maĂźtre spirituel dĂ©sormais dĂ©cĂ©dĂ©. Il existe 9 ashrams et 30 centres Sivananda Ă travers le monde (dont un Ă OrlĂ©ans, au milieu dâune paisible forĂȘt, vachement plus pratique si vous ne souhaiter pas faire exploser votre bilan carbone). La devise de cet ashram est â la santĂ© est la richesse, la paix du mental est le bonheur, le Yoga montre la voieâ.Â
Les journées se suivent et ⊠se ressemblent :

5h20 : rĂ©veil Ă la cloche (extrĂȘmement efficace)
6h : satsang
7h30 : chaĂŻ
8h : asanas (yoga postural)
10h : déjeuner
12h30 : coaching optionnel (en méditation, chant ou asanas)
14h : cours de philo
15h30 : asanasÂ
18h : dĂźner
20h : satsang

En plus de ce programme (dĂ©jĂ fort chargĂ©, vous en conviendrez), tout le monde participe Ă la vie de lâashram, grĂące Ă 1h de karma yoga (service dĂ©sintĂ©ressĂ©). Cela peut ĂȘtre nettoyer les parties communes, servir les repas ou le thĂ©, installer les salles de pratiques. Pour ma part, jâai plutĂŽt eu de la chance, car je âtravaillaisâ Ă la Health Hut, le petit âcafĂ©â (sans cafĂ©) de lâashram, et je passais donc mon temps Ă prĂ©parer des jus de fruits tropicaux dĂ©licieux (papaye, noix de coco, grenade, ananas,âŠ), et me dĂ©vouais allĂšgrement pour finir les surplus ou erreurs de commande (hĂ©hĂ©hĂ©). Â

Les pratiques, comme les journĂ©es, suivent elles aussi une structure bien particuliĂšre et immuable: 12 salutations au soleil, suivies de 12 postures (avec des minis savasana entre quasi chaque posture). Cela a un cĂŽtĂ© extrĂȘmement rassurant et reposant, car on âsaitâ ce qui arrive ensuite (comme en ashtanga ou bikram, qui ont chacun leurs sĂ©ries propres)⊠mais parfois (il faut bien lâavouer) un poil lassant aussi. Tout de mĂȘme, jâai trouvĂ© cette sĂ©rie trĂšs bien construite et agrĂ©able Ă pratiquer, et cela mâa mĂȘme rĂ©conciliĂ©e avec le Hatha yoga, que je boudais un peu depuis quelques annĂ©es !Â

Les repas sont pris par terre, dans le dining hall, Ă raison de deux par jour (aprĂšs la pratique du matin et de lâaprĂšs-midi), rythme qui est pour moi idĂ©al, mais que je nâarrive malheureusement jamais Ă conserver en France, car mon emploi du temps de cours diffĂšre chaque jour, et quâil est rare dâarriver Ă motiver son copain / ses amis de rĂ©server un resto Ă 18h ^^. Jâai donc beaucoup apprĂ©ciĂ© le rythme ici (qui est aussi celui que lâon suit gĂ©nĂ©ralement en stage de yoga). Jâai Ă©galement pu apprendre Ă manger correctement avec les doigts grĂące Ă la technique du pouce-qui-pousse, et je dois dire que cela Ă un cĂŽtĂ© assez jouissif de dĂ©guster ainsi sa nourriture.
La nourriture justement, parlons-en !
Lâashram Ă©tant aussi un lieu de cures ayurvĂ©diques, les repas sont des plus sattviques ( = pur, sain), et donc vĂ©gĂ©tariens, mais Ă©galement sans ail ni oignon, peu salĂ©s, peu Ă©picĂ©s (et non pimentĂ©s).
En terme de quantitĂ©, aucun problĂšme pour les gourmands, on peut se resservir Ă volontĂ© ! Pour les gourmets, je dois dire que jâĂ©tais un peu partagĂ©e : la cuisine est certes dĂ©licieuse, Ă©quilibrĂ©e, pleine de vitamines, mais ⊠parfois un peu trop âsageâ. Jâavais envie de folie, de passion, dâaventure⊠dâĂ©pices quoi ! De lâInde telle quâon me lâavait vendue, avec du feu dans ma bouche !
Mais la cuisine ayurvĂ©dique est plutĂŽt soft de ce cĂŽtĂ©-lĂ , ce qui peut aussi ĂȘtre rassurant si vous ĂȘtes frileux.se par rapport à ça justement ! Dans ce cas, pas dâinquiĂ©tude, vous pourrez vous rĂ©galer sans crainte !

Lâune de mes parties prĂ©fĂ©rĂ©es de la journĂ©e Ă©tait sans conteste les satsang.
Ce sont des moments pendant lesquels tout le monde se retrouve pour mĂ©diter, chanter, et Ă©couter des lectures / partages philosophiques. Cela durait 1h30, chaque matin et chaque soir. Les chants de mantras (qui font partie du bhakti yoga, yoga de la dĂ©votion), tout particuliĂšrement, mâont touchĂ©e, fait vibrer, et redonnĂ© de lâĂ©nergie les jours oĂč jâen manquais un peu. Entendre tout le monde chanter, frapper dans ses mains, accompagnĂ© de multiples instruments, waouh !
Comme mentionnĂ© plus haut, parmi les raisons pour lesquelles je mâĂ©tais inscrite Ă cet ashram, lâenvie de ralentir, revenir Ă une pratique personnelle, enrichir mon enseignement Ă©videmment, mais aussi, un grand besoin de calme. Quoi de mieux pour cela quâun cocon hors de la ville et des heures Ă mĂ©diter ! Il y a quelques annĂ©es, jâavais fait une retraite Vipassana, 10 jours de mĂ©ditation totalement silencieuse, pendant laquelle on Ă©vite mĂȘme de croiser le regard des autres participants. Ăvidemment, pas de tĂ©lĂ©phone portable, ni mĂȘme de quoi Ă©crire. Les 10 jours sont consacrĂ©s entiĂšrement Ă la mĂ©ditation, Ă raison de 10 heures par jour (oui câest un peu intense). Et je mâattendais un peu Ă retrouver cette ambiance trĂšs calme et silencieuse ici, et je dois dire que âŠ. cela nâa pas vraiment Ă©tĂ© le cas.Â

Les repas sont censĂ©s ĂȘtre pris en silence, silence qui est aussi conseillĂ© du soir (aprĂšs la fin du satsang), jusquâau matin (aprĂšs le satsang Ă©galement). Sauf que ⊠rares sont les personnes qui le respectent ! MĂȘme chose pour lâusage des tĂ©lĂ©phones qui Ă©tait censĂ© ĂȘtre limitĂ© dans les dortoirs:/.
Je crois que câest souvent ce qui arrive quand les choses sont « proposĂ©es » et non « imposĂ©es »⊠câest difficile de sâauto-discipliner, et il suffit que quelques-uns prennent des libertĂ©s, pour quâon ait tous envie de le faire aussi (moi la premiĂšre).Â
Mais Ă©tant donnĂ© que jâavais VRAIMENT envie dâintrospection pendant ce voyage et ce temps Ă lâashram, nous avons dĂ©cidĂ©, AnaĂŻs, Yvan et moi, de passer 3 jours en silence. Pour cela, rien de plus simple, on rĂ©cupĂšre un badge « in silence » Ă la rĂ©ception, et pouf, dâun coup, tout change ^^. Câest comme si on nâavait une sorte de cape dâinvisibilitĂ©, bon qui ne vous rend pas du tout invisible (dommage), mais qui vous permet dâĂȘtre lĂ , au milieu des gens, mais en mĂȘme temps, dâĂȘtre comme protĂ©gĂ© dans une petit bulle. Personne ne vient vous parler, car tout le monde respecte le petit badge jaune qui orne votre tee-shirt, et pour la personne pleinement ambivertie que je suis, câest un peu le bonheur. Ambi-quoi (oui je viens de dĂ©couvrir ce terme) ?
Ambiverti.e : « Personne qui a tendance Ă ĂȘtre stimulĂ©e par le fait de passer du temps seul.e, et par le fait dâĂȘtre en prĂ©sence dâautres personnes ».
Bon en gros, ni totalement introvertie, ni totalement extravertie, je suis un peu au milieu du spectre quoi. Mais câest vrai que jâapprĂ©cie souvent ĂȘtre entourĂ©e de gens, mais travailler seule (dâoĂč mon amour pour aller bosser dans un cafĂ©) (le lieu, pas la boisson).Â
JâhĂ©site carrĂ©ment Ă utiliser ce badge Ă mon retour en France. Jâai trouvĂ© cela trĂšs facile de passer ces 3 jours en silence, peut-ĂȘtre parce que jâavais dĂ©jĂ fait 10 jours de Vipassana (les fameux 10 jours en silence donc). Bon aprĂšs Ă©videmmentâŠ. Ce qui Ă©tait facile, câĂ©tait de ne pas parler aux autres. Pour ce qui est de ne pas se parler Ă SOIâŠ. On repassera ^^.Â
Et puis je dois quand mĂȘme avouer que lâexpĂ©rience Ă©tait un peu difficile Ă©galement pendant mon heure quotidienne de karma yoga, car jâĂ©tais parfois bien obligĂ©e de communiquer (silencieusement certes, mais communiquer quand mĂȘme, par geste ou autre) pour savoir quelles commandes je devais faire ou demander Ă quelquâun de mâouvrir une noix de coco Ă la machette (jâavoue ne pas avoir rĂ©ussi Ă dĂ©bloquer ce skill pourtant ĂŽ combien stylĂ©).

A lâissue de ces deux semaines, le bilan est donc CLAIREMENT positif ! Ma seule interrogation câest : quand vais-je pouvoir recaler du temps pour y retourner, ici ou dans un autre ashram !
Car il existe de nombreux lieux tels que celui-ci pour vous ressourcer, lieux que vous pouvez dâailleurs retrouver dans lâexcellent livre Ashrams, de Yael Bloch, qui est une mine dâinformations concernant les ashrams en Inde principalement (mais il existe aussi une liste des ashrams en France).
Jâai aimĂ© :
- les sastang
- les pratiques posturales
- lâambiance gĂ©nĂ©rale et les gens venant du monde entier
- la beautĂ© du lieuÂ
- la nourriture (pour son coté sain, et le fait de manger avec les doigts !)
- les cours sur la philo du yoga (mĂȘme si mon esprit critique a parfois étĂ© titillĂ© par certains points)
- les pratiques bi-quotidiennes de méditation en silence
- les smoothies tombés du camion de la Health Hut (mais chut !)
Jâai moins aimĂ© :
- le silence pas vraiment respecté
- le rythme parfois un peu trop soutenu (difficile de faire TOUTES les activités proposées)
- la nourriture (pour son cĂŽtĂ© parfois un peu trop sain et manquant dâĂ©pices)
- ne pas avoir pu profiter des massages proposés sur place car tout avait été booké en avance par un groupe !
Si vous souhaitez vous inscrire pour un séjour dans l'ashram Sivananda d'Orélans, c'est ici, et celui dans le lequel j'ai passé mon séjour en Inde, juste là !
Je suis curieuse d'avoir vos retours, avez-vous déjà séjournée dans un ashram, ou avez-vous envie de le faire :) ?? Dites-moi tout ci-dessous !!
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